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Loi Renseignement: non, je n'en veux pas

Ça y est, le fascisme est à nos portes. Et quand je dis à nos portes, c'est du mauvais côté de nos portes dans la mesure où les députés ont déjà approuvé le projet de loi. Donc ça y est, la balance entre les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) est définitivement brisée et l'exécutif s'abroge la grosse part du gâteau en ayant légalement le droit d'écouter tous les citoyens.

Certains me diront que les terroristes avaient la vie trop belle jusqu'à présent et qu'il fallait faire quelque chose. En effet, on peut poser cet argument, et il serait recevable si les mesures prises n'avaient pas deux effets pervers: en premier lieu, elles ne permettront pas de choper de terroristes (non, même pas à la marge) et en second lieu elles octroient un pouvoir à l'exécutif qui est largement trop important. Pour autant que j'ai confiance dans le président en place actuellement pour ne pas emprisonner ses opposants politiques en masse, c'est maintenant possible et légal.

Reprenons, reprenons. Pourquoi la surveillance en masse d'internet ne permettra pas de choper de terroristes?

En premier, on pourrait juste constater l'état de l'art des algorithmes de traitement automatiques sur le sujet. Avec un algorithme fiable à 99.9% on aurait encore un nombre de personnes marquées comme terroristes alors qu'ils ne le sont pas qui dépasse l'entendement. C'est ce qu'on appelle des faux positifs. Avec de la pub, si on arrive à cibler à 90% et que du coup dans 10% des cas on affiche une mauvaise pub, c'est pas grave. On a fait un affichage pour rien et voilà. Personne n'est mort. Avec du ciblage de terroristes on ne peut pas faire n'importe quoi. Un faux positif de l'algorithme doit être analysé car il ne peut être traité automatiquement. De plus, Pour que des algorithmes de data mining marchent, il faut beaucoup de données. Or, il n'y a que très peu de terroristes. Très très peu. Du coup, pas beaucoup de comportements à analyser et donc des algorithmes très peu efficaces.

Du coup, ces algorithmes sont inutiles et plus rien ne justifie que les forces de police aient un flux constant de TOUT ce qui passe sur Internet.

Ensuite il suffit de regarder les maigres résultats de la HADOPI pour se rendre compte qu'encrypter ses communications est aujourd'hui un jeu d'enfant. Une fois que tout est encrypté, plus aucune surveillance ne fonctionnera. Tout algorithme automatique est alors à exclure. C'est un jeu de dupes.

Enfin, on peut juste regarder les résultats à l'étranger. Grâce à Edward Snowden on sait que finalement, même si c'est illégal, la NSA espionne tout le monde depuis longtemps. Ils ont même des algorithmes de data mining en place depuis longtemps. Et pourtant, tout semble indiquer que les techniques d'investigations traditionnelles fonctionnent mieux que tous les algorithmes de la terre (le lien est en anglais).

Bon, bon, tout cela n'a pas bien l'air efficace. Mais bon, si ça permet d'en prendre ne serait-ce qu'un seul, ça vaut bien la peine non?

Non. En premier, comme tout cela est largement moins efficace que du bon vieux travail de terrain, on ferait mieux d'investir tous les millions dépensés là dedans dans du terrain. On aurait trouvé plus de terroristes.

En second lieu, la balance des pouvoirs penche désormais dangereusement en faveur de l'exécutif. Car s'il a le droit d'écouter la France entière il donc désormais un pouvoir considérable. Il peut en toute légalité faire condamner n'importe lequel de ses opposants. En effet, au vu de la complexité et de l'épaisseur des codes civils, pénal et la myriade d'autres, tout le monde en France est dans l'illégalité. C'est mathématique. Respecter la loi est devenu une tâche impossible bien au delà des capacités du citoyen moyen.

Enfin, on peut prévoir un impact clair et certain sur l'emploi, et très négatif celui-là. Comme un des pays ayant légalisé l'espionnage en masse, il est plus que probable qu'un certain nombre des clients étrangers de nos hébergeurs nationaux se carapatent vite fait ailleurs. Et même s'ils ne s'en vont pas, pour le choix de leurs prochains serveurs ils privilégieront sans doute des structures à l'étranger.

Voilà... pour terminer, un petite citation de Benjamin Franklin, ou en tout cas une phrase qui lui est souvent attribuée:

Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.

— Benjamin Franklin