Cette condamnable richesse
Bref, la pauvreté est donc bien la cible de tous les Français. C'est évident.
Alors quand le PDG de GDF-Suez part à la retraite, avec une retraite de - tenez-vous bien - 831 641 euros par an, naturellement, on le comprends bien, c'est le mal personnalisé. C'est encore une fois plus qu'évident. Gagner autant d'argent ne peut être que condamnable... heu non, répréhensible... ah non, illégal... bon, bref, c'est mal. Voilà, c'est ça. C'est mal.
Le jeune ministre, M. Macron, dont tout le monde à gauche scandait le libéralisme galopant il y a quelques semaines encore, s'est alors fendu d'une bonne saillie envers notre bientôt retraité Gérard Mestrallet:
D'après les éléments en ma possession cette retraite s'inscrit dans le cadre du code Afep-Medef : il s'agit d'un régime collectif commun à plus de 300 cadres. Le niveau prévu pour la retraite choque, je le comprends
Le niveau choque, on le comprend bien. Que quelqu'un puisse gagner des sommes d'argent aussi élevée est en effet inouï. Alors que le pays est en pleine crise financière et que le gouvernement ne cesse d'annoncer une austérité qui n'en finit pas de ne pas venir, l'ex PDG de GDF-Suez s'en met plein les fouilles.
Je souhaite que le Haut Comité de Gouvernement d'entreprises se saisisse de ce cas. S'il s'avère qu'il est conforme au code Afep-Medef, il est nécessaire d'aller plus loin.
Première surprise ici, cette retraite pourrait ne pas être légale. Nous ne sommes donc plus en socialie, mais bien en communie. Les retraites seraient donc plafonnées. Parce que gagner trop d'argent, c'est nécessairement mal. Il est à noter que la proximité entre gagner de l'argent et créer de la richesse est bien plus qu'accidentelle. Par transitivité, on peut donc en déduire que créer de la richesse c'est mal en France. J'ai bien peur que ce soit vrai et que de fait, la sortie de la crise n'en soit que plus délicate...
Gérard Mestrallet n'a donc qu'à bien se tenir. Ah, et il faudra aussi qu'il en tire toutes les conclusions. Pour ma part, je suis persuadé qu'il en a déjà tiré les bonnes conclusions. Sans doute pas celles que M. Macron avait en tête, mais bon, on ne peut pas tout avoir.Depuis mai 2012, notre politique d'Etat actionnaire sur les questions des rémunérations a évolué. Dans ce cas particulier, nous n'aurions pas voté une telle retraite. Au regard de cette nouvelle politique, l'Etat, comme actionnaire, se veut exemplaire et plus exigeant que le code Afep-Medef. Je souhaite que Gérard Mestrallet en tire toutes les conclusions.
Je trouve cette chasse aux gros salaires/retraites franchement malsaine de plusieurs points de vue.
D'un côté, le système de retraite est bien censé être un système de reversement. On cotise toute sa vie, puis on inverse la donne à l'âge de la retraite pour pouvoir s'arrêter de travailler. Voir donc le montant de sa retraite proportionnel au montant de ses cotisations ne me choque pas plus que ça. Si on me démontre que sa retraite est disproportionnée par rapport à ses cotisations, alors là, d'accord, je trouverai ça anormal. Dans tous les cas, son cas n'est pas isolé. En attendant, il a donné, le système lui rend, je ne vois rien de choquant.
D'autre part, en nivelant et limitant les fortunes personnelles, est-ce que finalement on n'en revient pas à limiter la réussite? Est-ce vraiment le message qu'on veut faire passer aux générations futures? Est-ce qu'au final, laisser les jeunes entrepreneurs rêver à des montagnes d'argent n'est pas les encourager à la réussite? Du coup, à l'inverse, leur faire passer le message que ces montagnes ne seront que de frêles collines, n'est-ce pas leur couper leurs rêves? Je pense que les gens - et les entrepreneurs en particuliers - ont besoin de pouvoir rêver, de pouvoir se projeter dans l'opulence. Et s'ils y arrivent, après tout, tant mieux. Les richesses créées pour l'occasion n'auront que des retombées positives pour l'économie (pensez au taxes!) et pour des tas de gens (on peut penser que l'entreprise générant toute cette richesse aura quelques employés et sous-traitants).
Parce que le message qu'on envoie à la France est le suivant: vous voulez bosser comme un malade pour être millionnaire? Laissez tomber, c'est illégal. Restez pépère, l'état s'occupe de tout.
Et je n'aime pas ce message. Mais alors, pas du tout. Si on dit aux gens de rester pépère, ils vont rester pépère et on va tout doucement s'enfoncer dans la misère. Ça a d'ailleurs déjà commencé.