L'affaire Roman Polanski
Revenons au début. Nous sommes en 1977 et Roman Polansky alors aux Etats-Unis d'Amérique est accusé d'avoir une relation sexuelle forçée avec une mineure de 13 ans qu'il a eu préalable droguée. Déjà une relations sexuelle normale avec une mineure de 13 ans est un crime, lui fournir de la drogue aussi, alors la violer, on imagine. Il négocie avec le juge et enlève des chefs d'accusation de fournir de la drogue et de viol. Malgré tout, il fuit vers la France pour ne pas avoir à affronter la justice américaine. J'allais écrire "pour ne pas avoir à assumer ses actes", mais bon, je ne l'ai pas écrit. Ah zut, trop tard...
De cette histoire restera un mandant d'arrêt international contre Roman Polanski. Et 30 ans plus tard, c'est-à-dire dimanche dernier, il va en Suisse et se retrouve arrêté par les autorités locales...
Voilà tout ce que je sais de l'histoire.
Alors bon, c'est vrai qu'on est 30 ans plus tard et que tout cela apparait vieux et poussiéreux. Et puis on aime bien Roman Polanski, ses films et tout et tout. De là à ce que tout le monde aille le soutenir, il y a un peu de marge! Les artistes y vont, les politiques se déplacent, font des annonces, la France bouge!
Mais il est sous le coup d'un mandat d'arrêt international quand-même! Comment est-ce qu'on peut le soutenir dans ces conditions? Il a drogué puis violée une gamine de 13 ans alors même qu'il en avait 44. Et il n'en a jamais payé le prix!!! Ca veut dire quoi? Un bon film efface un bon viol?
Et après, on a des citations. Par exemple, le consul de l'ambassade de Pologne à Berne qui nous dit "Il nous a fait savoir qu'il ne manquait de rien et qu'il était très bien traité. Cela ne signifie pas pour autant qu'il est heureux de son sort". Heureusement qu'il n'est pas heureux de son sort, il ne manquerait plus que ça. Qu'il aille pourrir au fond d'une geôle pour ce qu'il à fait bon sang!
L'ASCAP demande rétribution pour performance publique à Apple
L'ASCAP (organisation américaine de gestion des droits d'auteurs des compositeurs, auteurs et éditeurs de musique) vient de déposer un recours au gouvernement américain pour faire en sorte que Apple reverse des droits au même titre qu'une radio américaine reverse des droits lorsqu'elle diffuse une chanson. A lire ici, en anglais.
Il est bien évident que les ayants droits doivent récupérer une part raisonnable des profits générés par leurs oeuvres. Mais est-ce qu'on n'est pas en train de réinventer le marketing à l'envers? Ce court extrait de 30 secondes est distribué pour allécher le consommateur au produit... Est-ce que Audi touche de l'argent lorsqu'une pub sort dans un magazine avec une photo de leur voiture? Non, c'est plutôt eux qui payent!
Mais derrière ça, les artistes essayent sans doute de récupérer le dernier cent possible de la vente online. Attention toutefois à ne pas etouffer la poule aux oeufs d'or, ce serait dommage. Et s'ils considèrent insuffisant le pourcentage de revenu qui leur revient lors de la vente de produits en ligne, ça n'est pas vers Apple qu'il faut se tourner, mais plutôt vers les détenteurs des copyright, leurs maisons de disque.
Maintenant, tout cela se passe de l'autre côté de l'atlantique. Mais historiquement, toutes les "avancées" dans le domaine obtenues par les lobbies U.S. ont fini par débouler en Europe, bien souvent sous une forme encore pire que l'originale... Alors on se méfie. Bien qu'on n'y puisse rien.
Peut-être que la meilleure solution serait de laisser faire. Rendre la moitié des chansons payantes à la preview (quelques centimes) et voir leurs ventes s'effondrer. Peut-être que cela les ferait réfléchir et prendre conscience que ces extraits sont là pour les aider, pas pour les couler.
Hadopi II est passé, youpi.
Puis ils rigoleront certainement moins quand ils auront une contravention parcequ'un virus est venu s'installer sur leur PC et qu'il partage de la musique à leur insu.
Puis ils rigoleront encore moins lorsqu'ils seront coupés d'internet parcequ'un petit malin en Afghanistan a usurpé leurs adresses IP pour partager des films. Aux US, une université à fait un test et les "autorités musicales" se sont retrouvées à incriminer une imprimante! Eh oui, une imprimante est sur le réseau, elle a donc elle aussi son adresse IP! A lire en anglais chez audioholics.com
Mais là où ils rigoleront vraiment plus, c'est quand ils s'apercevront que leurs nombre de vente n'augmentera pas et continuera même à baisser... Tous les pirates crypteront leurs téléchargement illégaux rendant toute forme de détection caduque.
Pauvre france, pauvre politique.
Hadopi et les adresses IP
Un autre gros problème de cette loi, c'est qu'elle entend incriminer les internautes sur la base de leur adresse IP.
C'est quoi une adresse IP?
Une adresse IP (Internet Protocol) est un nombre qui identifie les ordinateurs sur un réseau TCP/IP, comme Internet. Chaque fois qu'un ordinateur se connecte à Internet, il annonce son adresse IP ou bien il s'en fait assigner une. C'est une adresse du genre 252.130.20.154. Chacun des quatre nombres est compris entre 0 et 255. C'est cette adresse qui permet d'identifier un ordinateur sur le réseau.
Une adresse IP marche un peu à la façon d'une plaque d'immatriculation pour une voiture. Sauf qu'il n'est pas illégal d'usurper l'adresse IP de quelqu'un d'autre. Cela ne changerait rien de toute façon puisque Internet est un réseau global et international...
Et donc?
En résultat, n'importe qui sur la planète peut décider de prendre mon adresse IP et partager des fichiers musicaux. Avec la loi Hadopi, c'est moi qui serait incriminé automatiquement!
On voit bien qu'avec la présomption de culpabilité, qui reviendra sous une forme un peu moins automatique, on est vite dans un problème de liberté fondamentale où n'importe qui peut faire inculper son voisin du moment que celui-ci n'a pas le moyens de prouver son innocence.
De notre côté, on trouve que c'est problématique, alors on condamne. Et non, on n'est pas forcément pour le piratage, c'est juste que cette façon d'essayer de l'endiguer est inefficace et liberticide.
Hadopi II, le retour
Et que faisait ce brave homme là-bas? Il parlait de la suite à donner à la loi hadopi. Puisque cela ne suffit pas, autant en remettre une deuxième couche. Qu'importe que ce soit le matériau qui soit défectueux.
Je n'ai pas suivi Hadopi sur ce blog, et ce n'est pas parceque j'approuve. Hadopi est la matérialisation de ce que peut donner un législateur qui ne comprend pas ce sur quoi il légifère.
Alors c'est quoi le problème?
Pour ceux d'entre vous qui me lisent et qui et qui ne seraient pas aussi internetophile que moi, revenons sur ce qu'est Internet.
Internet est un réseau informatique. C'est un lien qui permet à tous les ordinateurs connectés de communiquer entre eux, de se parler. Sans un réseau, un ordinateur ne peut communiquer qu'à l'aide de son écran et de son clavier. Le réseau est aux ordinateurs ce que le langage est aux humains: un moyen de communiquer entre eux.
Partant de ce constat, comment peut-on empêcher un ordinateur de parler à un autre? Il faut lui enlever son moyen de communication, le couper d'Internet. C'est très facile.
Et commnent peut-on écouter ce qu'un ordinateur raconte à ses congénères? Il faut le mettre sur écoute. Il faut qu'une entité se place entre les deux ordinateurs et enregistre ce qu'ils se disent. Sauf que cette technique est déjà vieille comme l'Internet! Les ingénieurs ont donc déjà réfléchi à une parade, toute droite sortie de mon analogie avec le langage humain: si quelqu'un est à portée d'oreille lorsque vous voulez communiquer un message confidentiel à un tiers, vous pouvez communiquer par code. Les allemands utilisaient cela lors de la dernière guerre. C'était fastidieux et lent, mais avant que les anglais ne mettent la main sur une des machines, personne ne pouvait deviner ce qu'ils se disaient. Par contre, pour un ordinateur qui peut faire des calculs mathématiques rigoureux à toute vitesse, c'est enfantin.
Ainsi, lorsque vous payez par carte bleue sur Internet, vous n'allez plus sur un site en http: mais en https:le "s" veut simplement dire sécurisé. L'ordinateur ne sait pas si on l'écoute, mais par principe de précaution il encode toutes ses communications car il sait que le message à transmettre va devenir sensible.
À ce jour, personne ne peut décrypter ce genre de communication de façon utilisable. Évidemment, si on prenait tous les super ordinateurs du monde, on pourrait retrouver votre numéro de carte bleue en quelques années de calcul, mais ça n'est pas très utile en pratique pour intercepter les communications quotidiennes de millions d'internautes.
Et hadopi alors?
Hadopi dit simplement que c'est interdit de télécharger de la musique sans le consentement des détenteurs des droits d'auteurs. En d'autre termes, il est illégal de dire à son ordinateur de communiquer avec d'autres afin de transférer un fichier musical copyrighté.
Tout cela est bien beau, sauf quand on commence à se demander la façon dont on peut faire appliquer cette loi. Pour l'appliquer, il faut pouvoir faire des contrôles et donc mettre des PVs. Mais coder les communications de son ordinateurs avec un autre est tellement enfantin, que si tout le monde s'y met, jamais personne ne pourra savoir si mon ordinateur est en train de recevoir un mail, une recette de cuisine ou un fichier musical.
Comment faire pour contrôler dans ces conditions?
Rendre le codage illégal? Comment acheter sur internet dans ces conditions (n'importe qui pourrait intercepter vos codes CB, ou lire vos mails). Ce serait la mort de l'ecommerce. En plus, qu'est-ce que un codage? On peut facilement cacher un message codé dans un message qui apparaît comme non codé... Impratiquable donc, inapplicable ensuite.
La question apparaît insoluble. Elle l'est en effet. Quelle soit la technologie que vous employez, si je ne veux pas que vous compreniez ce que je raconte à ma femme, je pourrais toujours trouver un code qui rendra ma communication incompréhensible. Même si ça n'est pas utilisable en pratique par des humains, car nos facultés d'encoder un message sont très lentes, pour un ordinateur c'est enfantin.
Pourquoi cette loi alors? Personne ne se fera prendre!
Si, plein de gens se feront prendre. Tous les gens peu technophiles qui ne se méfient pas iront au pilori. Et les grandes maisons de disques accompagnés de nos hommes politiques nous diront "voyez, le téléchargement illégal recule, c'est bien la preuve que la loi marche!" alors qu'ils oublieront simplement de compter le million de personne qui se sont cachés et qu'ils n'ont plus les moyens de voir.
Pourquoi poussent-ils dans cette direction alors?
Parcequ'ils ont peur. Toutes les œuvres immatérielles (musique, vidéo, livres, ...) vont bientôt circuler librement et ils ne voient pas comment l'empêcher, l'endiguer.
L'information entre les individus a toujours circulé librement, sauf dans les régimes totalitaires. Cela n'est pas près de changer. Et les œuvres immatérielles sont finalement que de l'information. Ce qu'il y a qui change, c'est que Internet nous donne un moyen pratique qui manquait jusqu'alors pour faire passer cette information.
Alors finalement, si elle ne sert à rien, pourquoi attaquer Hadopi?
Parceque la loi est liberticide. Et qu'elle voulait instaurer un concept relativement effrayant: la présomption de culpabilité.
Certes, le conseil constitutionnel a coupé cette dernière partie, ouf! Mais quand on voit jusqu'où les legislateurs sont capables d'aller pour une loi inutile, on est en droit de craindre la version 2...